“Sainte-Valière. De « Folie vigneronne » à résidence d’artistes.
Des pas légers qui dévalent le vaste escalier, un soleil qui innonde les fenêtres, des rires qui fusionnent, et voilà mon accueil entériné autour d’un verre de vin: mon séjour à l’Hôtel Sainte-Valière commence délicieusement.
Cette maison gracieuse, l’une des premières “folies vigneronnes” comme on les appelait alors, fut construite au 19ème siècle pendant les grandes années de la viticulture de cette région du Languedoc-Roussillon. La famille Cayla la conçut harmonieusement, ce dont les invités d’Eloïse sont aujourd’hui les chanceux bénéficiaires.
La famille vit à l’étage supérieur, où se trouve aussi une grande pièce de travail et bibliothèque avec une belle vue sur le Minervois et le foisonnement des vignes, et à l’étage du milieu il y a trois chambres spacieuses et salles-de-bain privées pour les hôtes. Les repas, si vous choisissez de les prendre avec la famille, sont servis sur la terrasse ou au petit salon devant le feu de bois qu’encadre une belle cheminé de marbre local. Inutile d’ajouter que les repas sont fameux.
Mes deux semaines de résidence ont filé mais c’était l’endroit idéal où justement s‘accrocher à un travail solide. Je voulais terminer deux larges dessins à la pointe d’argent pour une exposition prochaine et c’était la la situation idéale pour pousser l’effort à son terme. Ma tranquillité était scrupuleusement respectée.
Bien des virées séduisantes m’attiraient pourtant. Sainte-Valière est dans une région où regne donc la vigne; univers ponctué de chaînes de montagnes bleutées, éclipsées il est vrai au Sud-Ouest par les crêtes enneigées des Pyrénées qui flottent dans le lointain. De charmants villages en pierre ochre ont chacun leur propre « caveau » où l’on déguste leur vin, des allées de platane sous l’ombre desquelles serpentent des routes qui invitent à tojours plus d’exploration. Le canal du midi, noble et sinueux, defile sereinement entre vignobles et villages. Le transport de marchandises et leur commerce apporterent prosperite et il suscite aujourd’hui un regain d’activité. Ballades à vélo, bateaux, petits restaurants au bord de l’eau… autant de divertissements pour nous ravir, tous si près de Sainte-Valière qu’on peut assez vite passer de sa table de travail au toast de la vie à la française.
Une autre belle excursion de St-Valière c’est l’Abbaye de Fontfroide, un imposant monastère cisterien du 12ème siècle restauré à l’orée du vingtième siècle par Gustave Fayet. Les amateurs d’art connaissent son nom en tant que grand collectioneur des oeuvres de Gauguin et autres artistes contemporains de la fin 19ème. Viticulteur dans la région, lui-meme artiste peintre, il faisait aussi des ceramiques et tapis de tres bon goût. Avec l’aide d’un maître-vitrier, Richard Burghstal, il créa aussi pour l’église et le dortoir de Fontfroide d’étonnants vitraux. Non seulement l’abbaye est en elle-même d’une grande beauté, encadrée par sa roseraie et ses jardins en terrasses qui la nichent en surplomb dans la vallée boisée des Corbières, mais sa bibliothèque recèle un autre joyau. Gustave Fayetayant demande à Odilon Redon de peindre deux immenses toiles, de trois paneaux chacune, dans la majestueuse bibliothèque au-dessus du couvent. Jour et Nuit; qui passent pour être son chef d’oeuvre. Complexe, truffé d’allusions et de symboles, elles sont comme une symphonie de couleur et de lyrisme. Une visite organisée pour les voir vaut tout à fait la peine; en fait, elles sont d’une telle richesse qu’on pourrait les regarder d’inombrables fois et toujours y decouvrir plus.
Narbonne et Carcassone sont d’autres excursions à recommander, mais n’oublions pas que l’Hotel Sainte-Valière est une résidence d’artistes… donc verve créatrice, et les virées, en recompense… en tout cas pour moi. Tandis que je roulais mes deux grands dessins à la pointe d’argent dans un tube, il m’a semble emballer bien plus que mon travail. Ces deux semaines étaient l’offrande d’une forme de vie toute en grâce, d’une beauté régionale captivante, et, par-dessus tout, de l’ébauche d’amitiés réjouissantes. »